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Amado, George
Né en 1912, décédé en 2001.
Bahia de tous les saints
Roman lu en français.
Titre original : Bahia de Todos os Santos
La ville de Bahia (ou São Salvador), la Mecque des amateurs de la musique brésilienne, est aussi un des grands centres urbains du légendaire et pauvrissime nord-est du Brésil, habité surtout par les descendants des esclaves noirs, proche de la région appelée Sertão, où même de nos jours la faim sévit encore autant que le soleil et l’homme blanc…
Pratiquement chaque ville côtière du Brésil a son propre "sertão" urbain, assavoir les mornes de la périphérie, où se trouvent les favelas (bidonvilles), inépuisables réservoirs de disette et de famine, de maladie et de mort, de crimes et de main d’œuvre à bon marché.
Par le biais de son protagoniste Antonio Balduino, le roman de Jorge Amado nous donne une autre vision des mornes de Bahia. Né sur le morne portant le nom évocateur de Châtre-Nègre, de père inconnu, orphelin de mère, vaguement "adopté" par une voisine, Antonio grandit dans la liberté et la solidarité de la rue, vivant surtout de la mendicité aussi astucieuse qu’agressive de la bande d’énergumènes dont il deviendra très vite le maître. La puberté fait éclater la bande, dont les anciens membres restent quand même en contact grâce au deux piliers de leur vie : le "père de saint" Jubiaba, guérisseur et maître des cérémonies de macumba, et le bistrot "Lanterne des noyés". Jusqu’à ce que la mort les sépare...
Antonio deviendra à tour de rôle, grand adepte de la capoeira, champion du samba et tombeur de mulâtresses, champion de la boxe et tombeur de blancs, propriétaire de bistrot, ouvrier des plantations de tabac, pour finir docker dans les ports de Bahia. Il aura donc épuisé à peu près les possibilités sociales offertes à un descendant d’esclave noir. Mais lui qui au fond a toujours méprisé les gens qui travaillaient aura la révélation de sa vie quand il se trouvera inopinément au cœur de la première grande grève des dockers, qui se transformera très vite en grève quasiment générale.
La plus grande partie de la vie d’Antonio se passe sur un fond de "samba triste", au bord de ce précipice qui engloutit tant de monde et qui l’appelle lui aussi. Mais l’amour et la solidarité ont des raisons que la raison ne connaît point...
Observations linguistiques
Le titre français brise le nom de la ville (voir Bahia, dans le glossaire ci-dessous) pour rendre compte du double sens possible grâce à la structure de la langue portugaise, où il n’y a pas la différence entre "tous les saints" et "Toussaint".
Dans l’édition française que j’ai lue (folio), il y a souvent un mélange d’orthographes portugaise et française, ce qui ne facilite pas toujours la lecture ni la compréhension des termes venant du Brésil - sans parler des recherches terminologiques, qui deviennent souvent fastidieuses.
Agréable surprise, la même édition contient un glossaire très utile explicant une grande partie des termes portugais et brésiliens non traduits dans le texte. J’ajouterais quand même les termes suivants qui risquent de ne pas être évidents pour tout le monde :
Bahia |
En toutes lettres, la ville s’appelle "São Salvador da Bahia de todos os Santos" (St-Sauveur de la Baie de la Toussaint), c’est-à-dire : la ville St-Sauveur qui se trouve au bord de la Baie de la Toussaint. Ce nom a été forgé selon le même modèle que "O Rio de Janeiro" (Le Fleuve de Janvier) par les premiers marins européens arrivant là-bas : ils donnaient souvent aux villes et aux autres données géographiques un nom rappelant la date de leur découverte. |
bicho |
"Jogo do bicho" (jeu de l’animal) : une sorte de loterie basée sur des chiffres où à chaque groupe de quatre éléments correspond le nom d’un animal. |
boiii |
Le mot "boi" (bœuf) tiré en longueur. |
chin-chin |
Transcription française de "xinxim" : goulasch (généralement de poule, mais ici de bouc). |
Circulaire |
Entreprise bahianaise de transports en commun ( ?). [Quelle est l’origine du nom ?] |
confiture de cajou |
Il s’agit bien de confiture de noix de cajou ("caju" en portugais). |
dendê |
Palmier d’Afrique acclimaté au Brésil ; fruit de ce palmier. |
Echoû |
Transcription française du nom propre "Exu" : démon, diable. |
engenhos-bangués |
Moulin à sucre, sucrerie d’une technologie déjà dépassée à l’époque. |
fazenda |
Grande exploitation agricole (correspondant à la "hacienda" espagnole). |
figa |
Objet ayant la forme d’un poing serré, avec le pouce entre l’index et le majeur, et servant d’amulette. |
galego |
Ressortissant de la Galice, province espagnole située au nord du Portugal. Note : Officiellement la langue d’origine des Galiciens c’est le "Galego", considéré comme un dialecte portugais par les Portugais (et une partie des Galiciens), mais comme une langue à part par les Espagnols (et l’autre partie des Galiciens). Voir aussi "Galicien ou Portugais ?" ( allemand, retour avec le bouton "Page précédente de votre programme d'affichage). |
genipapo |
Transcription française de "jenipapo" : fruit d’une plante brésilienne utilisé à faire des liqueurs (tandis que les Indiens du Brésil s’en servent pour se noircir le visage et le corps). |
guariba |
Macaque (terme péjoratif utilisé localement pour les noirs). |
haüssa |
Céréale(?) servant à faire du riz. |
Orichala |
Transcription française du nom propre "Orixalá" : le plus grand des "orixás", c’est-à-dire des divinités du culte afro-brésilien "jeje-nagô". |
pipocas |
Pop-corn |
savate |
Périphrase de "capoeira" : sorte de danse athlétique paraissant anodine aux non initiés, mais servant à entraîner les esclaves à la lutte corps à corps, sans autres armes que les bras et surtout les pieds. |
S.U.O. |
??? (Si vous connaissez ce sigle, veuillez nous le signaler. Merci !) |
terreiro |
Lieu de culte du fétichisme africain (candomblé, macumba). |
urubu |
Vautour. |
Zumbi des Palmiers |
Une des traductions françaises possibles de "Zumbi dos Palmares". Zumbi était le dirigeant le plus important du "quilombo" (village fortifié) de Palmares, où entre 1596 et 1695 des miliers d’esclaves évadés s’étaient retranchés. Un grand nombre de "quilombos" avaient réussi à former de vraies régions autonomes et à résister aux troupes brésiliennes, néerlandaises et anglaises. Contrairement à la légende racontée dans le roman de Jorge Amado, Zumbi a été capturé et exécuté par trahison. Palmares a été pris et liquidé à l’aide d’une nouvelle artillerie lourde. La lutte des descendants d’habitants de "quilombos" pour récupérer leurs terres est encore en cours, malgré une législation correspondante. Voir aussi "Quilombos - fleurs exotiques de l'esclavage" (italien, retour avec le bouton "Page précédente" de votre programme d'affichage). |
Si vous avez des informations concernant les points d’interrogation ci-dessus, envoyez-les-nous, s’il vous plaît.
Pour établir le petit glossaire ci-dessus j’ai utilisé le Pequeno dicionário brasileiro da língua portuguesa de la Companhia editora nacional (brésilienne), édition de 1978, et le Dicionario de portugês-francês de la Porto Editora, édition sans date.
Info / achat
- à amazon.fr : français, espagnol.
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Capitaines des Sables
Roman lu en français. Titre original : Capitães de Arẽa
Ce livre reprend le sujet des enfants abandonnés dans les rue, mais cette vie précaire qui a été décrit surtout pour une seule personne exemplaire dans Bahia de tous les saints forme maintenant le théâtre de l’évolution d’un groupe d’une centaine de jeunes. Ayant échoués dans la rue pour différentes raisons le plus souvent indépendantes de leur volonté, ils haïssent, volent, pillent, dupent, agressent, violent et aiment pour survivre. A part un seul prêtre, un dockeur et les membres de leur groupe ils ont toute la société contre eux. Sans peindre leurs caractères et leurs agissements en rose, l’auteur sympathise avec le groupe et expose leurs problèmes et motifs pour mettre au clair les responsabilités de la société jusqu’à l’égoïsme caché des "bien-pensants", éducateurs et autres altruistes.
Le problème encore plus grave des jeunes filles de la rue est évoqué dans le récit émouvant de l’introduction momentanée d’une fille dans le groupe de garçons et du triste sort que connaîtra cette fille. (Non, elle ne sera pas putain ! Etre putain n’était pas considéré comme un triste sort dans le contexte du livre.)
Une partie particulièrement délicate de l’évolution du groupe est évidemment la période des départs successifs de garçons arrivés à l’âge adulte, qui suivent chacun la "carrière" correspondant à son caractère - et pas toujours conforme aux normes de la bonne société.
A part quelques très rares passages qui m’ont parus exagérés (mais peut-être je me fais des illusions sur ce qui ce passait dans certaines institutions "éducatives" ou certains commissariats de police à l’époque) le récit, tout en prenant parfois le ton d’une histoire d’aventure de jeunes pour créer du suspense, me semble approprié à la gravité du problème, mais évite de faire la morale au lecteur - sauf tout à fait à la fin.
En effet, la fin du livre est un peu décevante dans la mesure où l’intégration du groupe d’enfants (!) dans la lutte syndicale (comme "groupe de choc" à bras raccourcis contre les briseurs de grève) se fait de façon plus qu’irresponsable et irréaliste. D’ailleurs toute cette lutte ouvrière prend des formes qui sentent la dictature du prolétariat à plein nez et n’ont pas grand-chose à voir avec la réalité. Dommage que le côté doctrinaire du communiste convaincu qu’était Amado prend finalement le dessus.
Dédicace
Au début l’édition française se trouve une dédicace non traduite du portugais. Elle se présente sous forme de poème. Comme tout le monde ne la comprendra peut-être pas sans problème, je vous donne ici une des traductions possibles :
Mathilde,
Nous jouions à des jeux innocents, |
Observations linguistiques
Dommage que cette édition du livre contiennent un nombre élevé de fautes de frappe.
La traduction se lit très bien et s’adresse à un publique moderne habitué aux expressions argotiques. Cette tentative de rendre en français le jargon employé par les enfants de la rue est tout à fait légitime, mais arrive à ses limites quand la traductrice se sert de termes venant de l’arabe (tel maboul).
La transcription des noms propres est assez inégale. Tantôt les noms sont laissés en portugais, tantôt partiellement ou même entièrement traduits en français, et le même nom peut apparaître sous des formes différentes selon les passages du textes (exemple : sertanejo / sertanèje, Piedade / Pitié). En plus il y a souvent des problèmes de prononciation parce que la signification des accents (ou de leur absence) est tantôt empruntée au portugais, tantôt au français (exemple : Zé Molèque, où l’accent aigu portugais a la même valeur phonétique que l’accent grave qui suit).
Cette édition ne contient pas de glossaire, mais, heureuse surprise, on n’en a pas vraiment besoin parce que la traductrice se débrouille presque toujours pour éviter ce besoin au lecteur. Voici les quelques indications supplémentaires qui me paraissent quand même utiles :
A.B.C. |
Poème laudatif où chaque strophe ou vers commence par une autre lettre. |
Bahia (de tous les saints) |
La ville et la baie où elle se trouve sont plus ou moins confondues dans le même nom.* |
cangaço |
Armes ou mode de vie des bandits du nord-est brésilien. |
Cearense |
Habitant de Ceara. |
conto de reis |
Un million de reis (rei = monnaie brésilienne de l'époque). |
Ilhéense |
Habitant d’Ilhéus. |
leste |
Est (d’un pays etc.). |
moda |
Chanson. |
modinha |
Chansonnette. |
morro |
Butte, colline (où se trouve souvent les quartiers pauvres ou même bidonvilles). |
urubu |
Vautour. |
Zumbi des Palmeraies |
Une des traductions françaises possibles de "Zumbi dos Palmares".* |
Pour les expressions suivies d’un astérisque (*) voir aussi les observations linguistiques concernant Bahia de tous les saints.
Pour établir le petit glossaire ci-dessus j’ai utilisé le Pequeno dicionário brasileiro da língua portuguesa de la Companhia editora nacional (brésilienne), édition de 1978, et le Dicionario de portugês-francês de la Porto Editora, édition sans date.
Info / achat
- à amazon.fr : français.
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Saramago, José
L’Aveuglement
Roman lu en allemand. Titre original : Ensaio sobre a Cegueira.
En partant du fait divers d’un automobiliste qui n’a plus démarré après le passage du feu au vert, José Saramago, récent prix Nobel de littérature, nous fait vivre le cauchemare d’une ville dont tous les habitants perdent la vue en l’espace de quelques jours. Tous ? Oui, tous, sauf...
La cécité d’un individu est un handicap très grave pour la vie, mais imaginez-vous ce que cela donne si TOUT LE MONDE est aveugle ! Vous ne pouvez pas ? José Saramago l’a fait à votre place et en le lisant vous serez à la fois effrayé et subjugué par le déroulement de cette sinistre aventure collective.
Observations linguistiques
Le livre original s’intitule "Ensaio sobre a Cegueira" (Etude/essai sur la cécité), ce qui montre une approche très humble "par en bas" de la part de l’auteur, qui veut laisser au lecteur, l’honneur de découvrir la portée plus générale, politique, voire philosophique, du livre et la joie de voir que le livre est bien loin d'être un simple "essai".
L’édition allemande, intitulée "Die Stadt der Blinden" (La ville des aveugles) tient compte du fait que ce livre est bien plus qu’un "essai" sur la cécité, mais un roman complet de premier ordre. Elle garde pourtant le point de départ très concret d’une ville où tout le monde devient non-voyant. Ce n’est qu’au cours de la lecture que le lecteur allemand se rend compte que cette cécité annoncée dans le titre peut aussi comprendre un aveuglement moral, politique, etc. Mais c’est au lecteur de faire la démarche.
Le titre français "L’Aveuglement", par contre, vient "par en haut" en annonçant dès le début un concept aux fortes associations abstraites englobant le plan moral, politique, philosophique, etc. qui double le plan physique. C’est un peu dommage pour le lecteur parce que ce dernier n’a pour ainsi dire plus à découvrir lui-même ce qui pourrait être pour lui le sens profond du livre...
Info / achat
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Hans-Rudolf Hower 2003
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Dernière mise à jour : 06/04/16